La génèse du délit de « manipulation mentale »

La France est le seul pays occidental à avoir introduit dans le code pénal un article punissant la « manipulation mentale »

La génèse du délit de "manipulation mentale"Alors que les tribunaux américains ont banni depuis vingt ans le concept de « manipulation mentale », en s’’appuyant sur un memorandum de l’’APA (American Psychological Association) qui le jugeait non scientifique, la France est le seul pays occidental à avoir introduit dans le code pénal un article punissant la « manipulation mentale ».

Cet article de loi est régulièrement invoqué par les associations « antisectes » pour tenter d’’incriminer des mouvements spirituels ou religieux. Il est intéressant d’’en retracer la genèse. En 1994, Janine Tavernier, présidente de l’’Unadfi, publiait dans Le Monde des Débats un article intitulé « Punir la manipulation » dans lequel elle demandait que soit créé en France un délit de manipulation. Elle prenait pour exemple le code pénal italien :

« En Italie existe le délit de piaggio, c’est-à-dire d’’envoûtement, qui condamne toute pression exercée sur une personne par des moyens de fascination personnelle relevant de la supériorité sociale et culturelle. »

Ce que Madame Tavernier ne disait pas est que le délit de plagio (et non ‘piaggio’ qui est une marque de motocyclette) avait été créé sous Mussolini pour réprimer la propagande communiste ! En 1981, la Cour constitutionnelle italienne avait abrogé ce délit qu’’elle considérait comme contraire à la Constitution en raison de son caractère imprécis.

Il faut croire que cette funeste origine fasciste ne troublait pas les militants « antisectes » français puisqu’’ils réussirent à convaincre un député, Madame Picard et un sénateur, Monsieur About, pour inscrire un tel délit dans la loi française, dans l’’article 20 de la fameuse loi « About-Picard » votée en 2001.

François Terré, professeur de droit, membre de l’’Institut, président de l’’Association de philosophie du droit, qualifiera l’’article 20 de « galimatias propre à alimenter des discussions sans fin ». Quant aux techniques propres à altérer le jugement, il déclarera :

« Mais tout le monde s’’en sert de ces techniques, moi comme professeur, vous comme journaliste, la communication publicitaire, la télévision. Et tous les parents qui élèvent leurs enfants ! ».

Patrice Rolland, professeur de droit public à Paris XII, déclarera de son côté :

« La manipulation mentale n’’a pas en effet de contour juridique. Elle est indéfinissable. De plus, on risque de tomber dans des procès en sorcellerie. » (L’Yonne Républicaine, 23 juin 2000).

La loi About-Picard, quant à elle, a fait l’’objet de vives critiques de la part des organisations internationales de défense des droits de l’’homme. Ainsi, le 26 juin 2001, la Fédération internationale d’’Helsinki exprimait ainsi sa position :

« Bien que l’’Etat ait l’obligation de protéger ses citoyens contre des abus commis par des membres de groupes ou d’’associations quels qu’’ils soient, ceci ne devrait pas être fait en créant des discriminations, ce qui est le cas avec la loi proposée. De tels abus devraient être réprimés en utilisant les dispositions existantes du code pénal ou du droit et non pas en adoptant une loi spécifique qui cible les groupes religieux minoritaires. Une telle loi ouvrira la voie à des risques d’’abus de pouvoir par les autorités, qui se traduiront par des violations de la liberté de religion et d’’association, allant jusqu’’à la dissolution de groupes religieux minoritaires pacifiques. »

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