Le procès de Karadzic

Le procès de Karadzic doit être aussi celui de l’’idéologie psychiatrique qui a servi à justifier l’’épuration ethnique en Bosnie

Le procès de Karadzic doit être aussi celui de l’'idéologie psychiatrique qui a servi à justifier l’'épuration ethnique en Bosnie

Il n’’y a pas pire discrimination que celle qui est justifiée par des critères pseudo-scientifiques. Sait-on que longtemps avant l’’holocauste, dès 1920, un psychiatre allemand, Alfred Hoche, et un avocat qui devint Ministre de la Justice du Reich publiaient un livre intitulé « Permission de détruire une vie qui ne mérite pas d’’être vécue » dans lequel ils demandaient à ce que les personnes « mentalement déficientes » soient euthanasiées ?

Plusieurs psychiatres allemands ont été les théoriciens de la supériorité de certaines races et ont donné à Hitler la « caution scientifique » pour ses œoeuvres criminelles.

Ces psychiatres ont rarement été inquiétés. Alors, quand on retrouve deux psychiatres, Radovan Karadzic et son mentor aujourd’’hui décédé Jovan Raskovic à la source des crimes d’’épuration ethnique en ex-Yougoslavie, on n’’est guère surpris, tant est continue au fil de l’’histoire l’’implication de psychiatres dans la justification « scientifique » du racisme.

C’’est pourquoi, au moment où Radovan Karadzic va comparaître devant le Tribunal pénal international, le communiqué de presse de la Commission des citoyens pour les droits de l’’homme prend tout son sens. Nous le reproduisons ici intégralement.

Communiqué de presse

Paris le 22 juillet 2008 : La Commission des Citoyens pour les Droits de l’’Homme demande à la Cour pénale internationale de s’’assurer que le procès de Karadzic soit aussi celui de l’’idéologie psychiatrique ayant servi à justifier l’’épuration ethnique.

La Commission des Citoyens pour les droits de l’’Homme va écrire au Tribunal pénal international pour demander que soit prise en compte la dimension idéologique des crimes commis par Radovan Karadzic. Si le rôle direct dans les massacres en Bosnie est reconnu, l’’association souhaite que le rôle joué, en tant que psychiatre, pour justifier l’’épuration ethnique avec des arguments pseudo-scientifiques soit souligné, afin de prévenir une utilisation future des ces arguments dans d’’autres conflits éventuels.

Dès le début de la guerre en Bosnie, la CCDH France avait dénoncé le programme d’’épuration ethnique en Bosnie dont les justifications invoquées par ses auteurs étaient très similaires à celles des crimes nazis des années 30 et 40.

En 1992, la CCDH avait présenté un rapport sur les atrocités commises en ex-Yougoslavie à l’’Association Mondiale de Psychiatrie, à la Fédération Mondiale de la Santé Mentale et au département santé mentale de l’’Organisation Mondiale de la santé. Ce rapport pointait le rôle déterminant joué par l’’idéologie psychiatrique et l’’action des psychiatres dans le conflit bosniaque.

Dans ce rapport, CCDH apportait les preuves que Karadzic avait suivi sa formation de psychiatre sous la houlette de l’’ancien fondateur du Parti social démocrate (PSD), le psychiatre Jovan Raskovic. Avant sa mort en 1992, celui-ci avait déclaré à la télévision de Belgrade et au journal Vjeskik que lui et son parti avaient « mis le feu au détonateur du nationalisme serbe », en jouant avec « des principes freudiens » sur l’’infériorité et la supériorité de certaine races.

Raskovic affirmait que lui-même et Karadzic avaient répandu « l’’information » selon laquelle les Croates avaient « une fixation sur le complexe de castration » alors que les Musulmans « se montraient autoritaires ». Les Serbes, disaient-ils, avaient « les qualités pour diriger » et étaient « destinés à être leaders » alors que les Croates et les Musulmans étaient des races inférieures qu’’il était nécessaire d’’éliminer. Ce psychiatre a promu ses théories « freudiennes » sur les races dans son livre Luda Zemla (Un pays fou) et dans le cadre d’’une campagne dans les médias. Il fut à l’’occasion acclamé par certains comme le plus grand psychiatre et scientifique de son temps.

« Je me sens responsable parce que c’’est moi qui ai préparé cette guerre, même si ces préparatifs n’’étaient pas militaires. Si je n’’avais pas créé ce stress émotionnel chez le peuple serbe, rien ne serait passé » déclara-t-il alors.

En tant qu’’élève de Raskovic, Radovan Karadzic a continuellement justifié ses massacres et sa politique par ces mêmes arguments de nature psychiatrique ou psychanalytique, attisant même la haine inter-ethnique en donnant une apparence scientifique au concept de supériorité raciale. C’’est en cela que Karadzic s’’inscrit dans une certaine tradition psychiatrique ayant « théorisé » l’’idéologie fondamentalement nazie selon laquelle certaines races ou ethnies sont supérieures aux autres.

Rappelons qu’’en Allemagne nazie, des dizaines de psychiatres ont été à l’’origine de la stérilisation et de l’’assassinat d’’un grand nombre de personnes, le génocide ayant commencé par les malades mentaux dans les asiles. La plupart de ces psychiatres n’’ont pas été poursuivis et se sont remis à pratiquer leur métier en Allemagne et dans d’’autres pays du monde entier après la guerre.

Au même titre que Karadzic en Bosnie, Ernest Rudin est le psychiatre qui a joué le rôle le plus important dans la préparation de l’’holocauste. Rudin était président de la Fédération internationale des organisations eugénistes et leader mondial du mouvement eugéniste qui cherchait à éliminer les individus « inférieurs » de la société en les mettant de côté, les stérilisant ou en leur donnant la mort, afin de créer une race « meilleure ».

En 1933, Rudin avait été choisi par le Ministère du Reich pour conduire le programme de pureté raciale de l’’Allemagne. Rudin aurait plus tard publiquement rendu hommage à Hitler pour avoir fait de « son rêve vieux de plus de trente ans une réalité » en imposant « l’’hygiène raciale » au peuple allemand. Rudin ne fut pas condamné et vécut jusqu’’à sa mort sans être inquiété.

La Commission des Citoyens pour les droits de l’’homme espère que cette fois-ci la justice pourra être rendue et que l’’idéologie psychiatrique qui se trouve derrière ces atrocités pourra être démasquée. La présidente de CCDH Internationale, Madame Jan Eastgate, a déclaré qu’’« alors que les atrocités de la purification ethnique et du génocide sont habituellement ce qui attire notre attention, il est important de reconnaître l’’idéologie qui en est la source et de rendre responsables les personnes qui l’’ont mise sur pied. »

C’’est en ce sens que la CCDH transmettra l’’ensemble des informations qu’’elle détient au Tribunal Pénal International.

Pour toute information complémentaire, contacter la CCDH au 01 40 01 09 70.

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